Une vocation toute tracée

Né à Saint-Pétersbourg en 1904, Racoff grandit à Tomsk, une ville de Sibérie, qu’il quitte à la Révolution russe en 1918. Son long exil le mène d’abord à Kharbin, une ville chinoise surnommée la « Moscou de la Chine » où il fait la rencontre d’un peintre décorateur de théâtre qui l’initie à la peinture. Il entreprend des études de droit mais il étudie parallèlement l’histoire de l’art. C’est ainsi qu’il découvre les primitifs russes, italiens, flamands, allemands et français et que naît sa vocation de peintre.

Le succès parisien

Racoff atterrit finalement à Paris dans les années 1920, la fameuse époque de la bohème où se constitue une importante communauté russe dans la capitale. Mais il ne connaît pas tout de suite le succès et doit donc travailler à côté pour vivre, d’abord comme illustrateur puis, plus tard, comme encadreur. Il apportera ainsi toujours un soin très particulier à l’encadrement de ses œuvres.

Avec le temps, l’artiste russe devient de plus en plus parisien. Au gré de ses déambulations dans la capitale, il s’imprègne de la ville et se plonge avec passion dans son passé historique. Il réussit également à réunir une documentation considérable sur le Vieux Paris et les vues de ses rues, qui devient l’orgueil de sa bibliothèque et un outil formidable pour son travail. En 1946, la galerie parisienne Vendôme lui organise sa première exposition qui fut un véritable succès. Se sentant encouragé, Racoff se consacre alors exclusivement à la peinture. Il rencontre Dina Vierny au début des années 1950 qui l’enjoint à supprimer les personnages de ses œuvres et qui lui organise une première manifestation dans sa galerie en 1952. En quelques jours, toutes les peintures sont vendues. La galerie lui organisera par la suite quatre autres expositions et diffusera ainsi son travail en France et à l’étranger. Avant cette première manifestation, l’artiste doutait encore de ses possibilités et Dina Vierny racontait qu’au début de leur collaboration, Racoff n’osait parfois pas entrer dans la galerie pour lui apporter ses œuvres.

Un peintre poétique et mystérieux

On peut dire que la peinture de Racoff est à la fois intime, étrange et silencieuse, faite d’un mysticisme et d’une certaine mélancolie. Son œuvre se divise en plusieurs catégories : les paysages urbains, les natures mortes et les trompes-l ’œil. Toutes sont d’une incroyable qualité et d’une grande précision, qui rappellent parfois la nouvelle objectivité allemande des années 1920 ou les paysages urbains du XVIIe siècle hollandais. Un caractère poétique et mystérieux se dégage de ses paysages urbains vidés de leurs habitants tandis que ses natures mortes naviguent parfois dans un univers qui flirte entre le surréalisme et la peinture naïve. C’est un monde inhabité et passé, fait de souvenirs, comme si l’agitation de la vie s’en était allée pour un instant.

Ses peintures ne racontent aucune histoire, il n’y a aucune narration, ce sont plus des univers ou des ambiances et des émotions que nous montre Racoff. On peut dire que ses œuvres sont inclassables, elles ne rentrent dans aucun mouvement ou aucune catégorie. Elles cherchent juste à nous montrer une réalité toute personnelle, intérieure.

L’histoire de l’art a malheureusement quelque peu laissé de côté cet artiste qui mérite grandement d’être mis en lumière et le Musée Maillol de Banyuls-sur-Mer est donc très heureux de participer à cette merveilleuse redécouverte.