Étudier le regard de Maillol sur l’art de l’Égypte antique dans un contexte d’orientalisme de fin de siècle.
Les critiques d’art et les biographes d’Aristide Maillol ont souvent souligné, à juste titre, l’influence majeure de la Grèce antique sur son œuvre. Ils ont cependant très largement sous-estimé l’influence fondatrice que l’Égypte ancienne a joué dans son inspiration. De l’exaltation statutaire célébrant le corps féminin dans un style épuré à ses diverses inspirations mythologiques, il semble en effet facile, à première vue, de voir en Maillol un héritier de la sculpture grecque antique – bien que celui-ci ne se soit jamais déclaré comme tel.
Très loin de se considérer comme un classique, il apprécie et puise dans l’œuvre de ses maîtres contemporains – comme Cézanne ou Gauguin – mais s’inspire également de références issues de civilisations anciennes pour définir ses propres critères esthétiques : la Chine, l’Inde et bien sûr la Grèce antique. Mais peu de gens connaissent une autre source majeure pour lui : celle de l’art égyptien.
En effet, bien qu’il ne s’y soit jamais rendu, de nombreux écrits de l’artiste mettent en lumière une fascination certaine pour la monumentalité, la sobriété et l’immobilité presque mystique qui caractérisent les statues de Égypte ancienne.
Étudier le regard de Maillol sur l’art de l’Égypte antique dans un contexte d’orientalisme de fin de siècle.
Les critiques d’art et les biographes d’Aristide Maillol ont souvent souligné, à juste titre, l’influence majeure de la Grèce antique sur son œuvre. Ils ont cependant très largement sous-estimé l’influence fondatrice que l’Égypte ancienne a joué dans son inspiration. De l’exaltation statutaire célébrant le corps féminin dans un style épuré à ses diverses inspirations mythologiques, il semble en effet facile, à première vue, de voir en Maillol un héritier de la sculpture grecque antique – bien que celui-ci ne se soit jamais déclaré comme tel.
Très loin de se considérer comme un classique, il apprécie et puise dans l’œuvre de ses maîtres contemporains – comme Cézanne ou Gauguin – mais s’inspire également de références issues de civilisations anciennes pour définir ses propres critères esthétiques : la Chine, l’Inde et bien sûr la Grèce antique. Mais peu de gens connaissent une autre source majeure pour lui : celle de l’art égyptien.
En effet, bien qu’il ne s’y soit jamais rendu, de nombreux écrits de l’artiste mettent en lumière une fascination certaine pour la monumentalité, la sobriété et l’immobilité presque mystique qui caractérisent les statues de Égypte ancienne.
“ J’ai un faible pour la sculpture égyptienne : ces figures, ce sont des dieux, des idées sculptées.”
“ J’ai un faible pour la sculpture égyptienne : ces figures, ce sont des dieux, des idées sculptées.”
Étudier le rapport entre Maillol et l’Égypte nécessite d’étudier tout un contexte d’effervescence autour de l’Égypte et ses mystères de la part de ses contemporains. En effet, le pays des pharaons est à la mode en ce dernier quart du XIXème siècle : suite aux campagnes de Napoléon de 1798 à 1801, l’archéologie et les recherches scientifiques sont en plein essor. Le siècle de Maillol est caractérisé par de nombreuses fouilles menées et financées par des mécènes européens, notamment les grandes campagnes d’excavations dans la Vallée des Rois, qui viennent bercer les fantasmes des occidentaux. Ce phénomène a un nom : « l’égyptomanie », la passion dévorante pour l’Égypte ancienne et son histoire, qui atteint son paroxysme en Europe. Dans un désir de diffusion du savoir et des objets d’art, plusieurs objets sont ramenés de ces fouilles comme butins de recherches : bijoux, sarcophages, statues et autres trouvailles viennent alimenter les musées.
Parmi eux, le musée du Louvre voit ses collections s’enrichir grâce aux régimes de partage des objets de fouilles du gouvernement égyptien et aux campagnes de fouilles d’Auguste Mariette, archéologue français faisant don de ses découvertes. Entre 1852 et 1853, en une seule année, le musée du Louvre reçoit près de 6 000 objets, parmi lesquels le célèbre Scribe accroupi
ill 2.
Aristide Maillol, Jeune fille à genoux, entre 1900 et 1902, bronze, H.18 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol.
“ (…) Je regarde une belle statue imitée des Égyptiens et là je me sens remué profondément – là la grandeur est évidente l’ampleur des formes est d’un dieu – l’art a touché son but - ”
De retour de son voyage, Maillol restera profondément marqué par cette statue, comme le démontre cette conversation de 1944 avec Henri Frère, ami de l’artiste et poète : « Me trouvant à Athènes, il y a déjà quelques années, je dessinais au musée une statue que l’on nomme l’Apollon à l’Omphalos ; c’est une statue qui magnifie l’étude de la chair à un point surprenant, par conséquent loin déjà de la grandeur et de la majesté des œuvres de Phidias. Mon dessin terminé, je me retourne et me trouve en face d’une très grande statue primitive, une œuvre dans le style égyptien, sévère et grandiose. Enfin la statue d’un dieu ! J’ai compris combien cet art surpassait l’Apollon à l’Omphalos par son élévation spirituelle ; cette comparaison me fit réfléchir profondément et me laissa perplexe (…) J’ai compris que la sculpture c’était ça. Ou plutôt que la sculpture était faite pour ça. Pour produire une grande impression. »
Se révélant donc amateur de l’art de l’Égypte antique, Maillol apprécie le hiératisme de ses sculptures monumentales et graves, le caractère religieux et mystique qui se dégage de ses œuvres majestueuses, figées dans le temps. Plus qu’une simple représentation, l’effigie humaine dans l’art égyptien avait un but spirituel ou symbolique, très souvent connoté aux croyances en l’au-delà : afin d’assurer le bon passage du défunt vers le royaume des morts, il était impératif de les matérialiser dans le monde des vivants. La statue pouvait également servir à assertir un rapport de dominance, exprimant le pouvoir des pharaons ou monarques, ou représentant des figures divines. C’est peut-être cette puissance symbolisée à travers la statuaire qui impressionne tant Maillol, qui y retrouve sans doute un écho à sa propre sculpture. En 1907, alors qu’il réalise Le Cycliste et Le Désir pour le comte Kessler, l’artiste a l’occasion de débattre avec lui sur la supériorité de l’art égyptien par rapport à l’art grec :
« Nous avons causé ensuite des Égyptiens et des Grecs. Je lui ai dit que les Grecs m’étaient finalement tout de même plus proches, « parce qu’ils ont trouvé la volupté : ils étaient des amoureux ». Maillol : « C’est peut-être que vous n’êtes pas sculpteur. Les Égyptiens mettaient dans tout ce qu’ils faisaient l’esprit religieux, ce qui est encore plus haut que l’amour, si on veut. Les Grecs restent humains. Moi, je voudrais mettre quelque chose de grave dans mon nu. Je pourrais assez facilement faire du Renoir en sculpture, je crois, mais je me retiens, je ne veux pas me laisser glisser, parce que je trouve qu’en art, la volupté doit tout de même garder quelque chose de grave, ça n’en devient que plus voluptueux. »
Les Expositions Universelles à Paris sont également acteurs de cette frénésie dévorante pour l’Égypte ancienne. C’est en 1867 que, pour la première fois, des pavillons sont spécifiquement édifiés pour représenter des pays extra-occidentaux à travers un « Parc des Nations », aménagé sur le Champ de Mars. Ainsi, Auguste Mariette y organise un parc égyptien, mêlant des éléments de l’Égypte antique et contemporaine, reproductions de temples anciens et de quartiers populaires, qui connait un immense succès auprès du public parisien. Nous savons qu’Aristide Maillol, monté à Paris en 1882, se rend aux Expositions Universelles de 1889 et 1900, où il a l’occasion d’admirer et d’étudier la sculpture d’Extrême-Orient, notamment la sculpture khmère. Sans doute a-t-il également eu l’occasion de visiter la reconstitution de la rue du Caire en 1889, une vision romantisée de l’architecture égyptienne.
Parmi les contemporains de Maillol, Auguste Rodin est également un grand admirateur de cet art d’Égypte, comme en témoigne son importante collection d’antiquités composée de masques funéraires, statues et figurines, objets mobiliers et vases qu’il réunit entre 1893 et 1917. Pour Rodin comme pour beaucoup d’artistes et auteurs de cette époque, l’Égypte fait partie de cet orient fantasmé, dont l’étude de l’art, les traditions et les coutumes possèdent une valeur plus esthétique que scientifique, un souffle nouveau venu d’Orient qui leur sert de source d’inspiration. Ainsi, Maillol s’inscrit au sein d’une fin de siècle marquée par cet orientalisme artistique.
Grâce à la lecture de correspondances ou d’écrits de ses biographes et contemporains, il est possible de déceler un puissant intérêt pour la culture et les œuvres d’art de l’Égypte antique de la part de Maillol. Ainsi, dans une lettre de 1907 adressée à Maurice Denis, le sculpteur évoque son enthousiasme : « (…) J’ai vu hier à Paris, une nouvelle salle égyptienne quelle merveille quel art si beau quelle belle assurance dans la vie et confiance dans la mort – c’est le soleil ! »
Aristide Maillol aura l’occasion de voyager et de découvrir d’autres grandes collections égyptiennes à travers l’Europe, notamment celle du British Museum en 1904 qu’il visite avec son ami et mécène le comte Harry Kessler. A la fin du XIXème siècle, le fameux musée comprend plus de 10 000 objets égyptiens, ce qui en fait l’une des collections d’antiquités égyptiennes les plus complètes au monde. Grâce à la lecture du Journal de Kessler, nous sommes en mesure de retracer cette journée au musée londonien :
« Londres, samedi 3 septembre 1904 : Tôt avec Maillol au British Museum. Dès l’entrée dans la collection des sculptures, la tête d’Osorkon II [d’Amenemhet III] l’arrête : « C’est beau ! Comme c’est beau ! C’est tranquille, et ça vit plus que les choses qui représentent un mouvement. C’est pour ça que j’aime tant les poses tranquilles ; je trouve ça tellement plus vivant. Ça remue, tandis que les choses en mouvement, on s’attend toujours à ce que ça s’arrête. »
Toujours accompagné de Kessler, c’est ensuite la Grèce que Maillol découvre du 25 avril au 3 juin 1908, qu’il documente dans son carnet de voyage, remplis de notes et croquis récoltés durant son périple. Arrivé à Delphes, il visite le Musée Archéologique, dont l’étude des sculptures antiques laisse une profonde impression sur notre artiste : « (…) Je regarde une belle statue imitée des Égyptiens et là je me sens remué profondément – là la grandeur est évidente l’ampleur des formes est d’un dieu – l’art a touché son but – »
La statue en question, photographiée par Kessler (Ill. 1), est un kouros (κοῦρος en grec ancien signifiant « jeune homme »), typique de la statuaire de la période archaïque grecque, apparue à une période marquée par une influence culturelle de l’Égypte Ancienne, notamment dans les arts. Cet écho à la statuaire égyptienne se retrouve dans la pose des statues : les bras le long du corps et de larges épaules, le pied gauche en avant, censées reprendre l’attitude des représentations des dieux, des pharaons et dignitaires égyptiens.
“ Plus qu’une simple représentation, l’effigie humaine dans l’art égyptien avait un but spirituel ou symbolique, très souvent connoté aux croyances en l’au-delà (...)”
Étudier le rapport entre Maillol et l’Égypte nécessite d’étudier tout un contexte d’effervescence autour de l’Égypte et ses mystères de la part de ses contemporains. En effet, le pays des pharaons est à la mode en ce dernier quart du XIXème siècle : suite aux campagnes de Napoléon de 1798 à 1801, l’archéologie et les recherches scientifiques sont en plein essor. Le siècle de Maillol est caractérisé par de nombreuses fouilles menées et financées par des mécènes européens, notamment les grandes campagnes d’excavations dans la Vallée des Rois, qui viennent bercer les fantasmes des occidentaux. Ce phénomène a un nom : « l’égyptomanie », la passion dévorante pour l’Égypte ancienne et son histoire, qui atteint son paroxysme en Europe. Dans un désir de diffusion du savoir et des objets d’art, plusieurs objets sont ramenés de ces fouilles comme butins de recherches : bijoux, sarcophages, statues et autres trouvailles viennent alimenter les musées.
Parmi eux, le musée du Louvre voit ses collections s’enrichir grâce aux régimes de partage des objets de fouilles du gouvernement égyptien et aux campagnes de fouilles d’Auguste Mariette, archéologue français faisant don de ses découvertes. Entre 1852 et 1853, en une seule année, le musée du Louvre reçoit près de 6 000 objets, parmi lesquels le célèbre Scribe accroupi
Les Expositions Universelles à Paris sont également acteurs de cette frénésie dévorante pour l’Égypte ancienne. C’est en 1867 que, pour la première fois, des pavillons sont spécifiquement édifiés pour représenter des pays extra-occidentaux à travers un « Parc des Nations », aménagé sur le Champ de Mars. Ainsi, Auguste Mariette y organise un parc égyptien, mêlant des éléments de l’Égypte antique et contemporaine, reproductions de temples anciens et de quartiers populaires, qui connait un immense succès auprès du public parisien. Nous savons qu’Aristide Maillol, monté à Paris en 1882, se rend aux Expositions Universelles de 1889 et 1900, où il a l’occasion d’admirer et d’étudier la sculpture d’Extrême-Orient, notamment la sculpture khmère. Sans doute a-t-il également eu l’occasion de visiter la reconstitution de la rue du Caire en 1889, une vision romantisée de l’architecture égyptienne.
Parmi les contemporains de Maillol, Auguste Rodin est également un grand admirateur de cet art d’Égypte, comme en témoigne son importante collection d’antiquités composée de masques funéraires, statues et figurines, objets mobiliers et vases qu’il réunit entre 1893 et 1917. Pour Rodin comme pour beaucoup d’artistes et auteurs de cette époque, l’Égypte fait partie de cet orient fantasmé, dont l’étude de l’art, les traditions et les coutumes possèdent une valeur plus esthétique que scientifique, un souffle nouveau venu d’Orient qui leur sert de source d’inspiration. Ainsi, Maillol s’inscrit au sein d’une fin de siècle marquée par cet orientalisme artistique.
Marqué par cet art ancien, Maillol, consciencieusement ou non, réalise des sculptures dont la monumentalité, le silence et le hiératisme rappellent la statuaire égyptienne, comme l’affirme Waldemar-George, critique d’art et essayiste français : « Lorsqu’il débute, Maillol se tourne, non vers l’art grec classique, mais vers l’art égyptien. » En effet, quand on examine les premières sculptures de Maillol – bois sculptés, statuettes et terres cuites émaillées – l’artiste est encore loin de ces statues monumentales aux silhouettes classiques de la statuaire grecque. On retrouve plutôt des références orientales comme la sculpture khmère, que l’artiste apprécie tant, ou alors égyptiennes.
A commencer par le thème des femmes agenouillées de Maillol, représentées à maintes reprises à travers son œuvre, qui pourrait presque être vu comme une inspiration directe des silhouettes égyptienne. Ayant beaucoup étudié le corps féminin sous différentes postures, Maillol réalise plusieurs petites statuettes (Ill. 2) où une femme est assise à genoux sur ses talons, les mains posées sur les cuisses. Exprimant une immobilité parfaite, dans une pose méditative, elle affirme une ressemblance avec le sujet classique des statues agenouillées d’Égypte (Ill. 3).
ill 4.
Aristide Maillol, Deux femmes assises sur un banc, dit aussi Les Deux Sœurs, vers 1895-1898, Terre cuite, H. 12,5 ; L. 10 ; P. 9 cm, Paris, Petit Palais. © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais
ill 6.
Aristide Maillol, Femme marchant, dit aussi Femme vêtue marchant ou La Parisienne, vers 1895-1898, terre cuite blanche, H. 23,5 cm ; L. 6 cm ; P. 11 cm, Paris, Petit Palais. © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.
Quand Maillol expose Méditerranée au Salon d’automne de 1905, Louis Vauxcelles, critique d’art, apporte un avis sensible sur cette statue monumentale : « Une statue de M. Aristide Maillol, hiératique, à l’instar d’un bloc d’Égypte, s’érige au centre de cette salle. M. Maillol nous a accoutumés à ses menues figurines. Le voici qui prend son élan. Cette figure de femme est d’une sérénité majestueuse. Selon un mot d’Octave Mirabeau, elle ouvre au désir ses belles cuisses rondes et puissantes ; elle est ardente, chaste, auguste ; elle donne l’idée de la force, de la plénitude de la chair, parce qu’elle donne l’idée de la vie, parce qu’elle est la vie. »
Une des variantes de Méditerranée, réalisée en 1909, La Nuit (Ill. 7), est peut-être l’exemple le plus connu de l’influence de la statuaire égyptienne sur l’œuvre de Maillol. Plutôt que de représenter une allégorie nocturne endormie, le Banyulenc préfère la présenter dans un état de repos éveillé : repliée sur elle-même et la tête posée entre ses bras, la figure féminine semble lasse, invoquant un sentiment de mélancolie. Dans la biographie de l’artiste, Judith Cladel décrit la statue monumentale comme un « jeune corps, de fine et grasse splendeur, la tête, cachée entre les bras, appuyée aux genoux relevés, dont la masse souple s’enferme, à l’exemple de certaines figures égyptiennes, entre les lignes idéales d’un cube. »
ill 8.
Statue-cube, entre 1795 av. J.C. et 1680 av. J.-C. (XIIIe dynastie), gravure sur calcaire, H. 45,5 cm ; l. 24,5 cm ; P. 35,3 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptienne. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand Palais RMN / Georges Poncet
ill 3.
Statue de Nakhthorheb, chef des prêtres, sculpture en quartzite, vers 590 av. J.-C. (26e dynastie, règne de Psammétique), H. 148 cm ; L. 54 cm ; P. 70 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes. © 2013 Musée du Louvre, Dist. Grand Palis RMN / Christian Décamps
Une autre de ses premières réalisations, cette fois en terre cuite, les Deux femmes assises sur un banc (Ill. 4) fait penser aux statues-couples égyptiennes (Ill. 5), groupe statuaire funéraire censé représenter un homme et une femme devant leur tombe. Enfin, La Parisienne en terre cuite blanche (Ill. 6) rappelle également la statuaire antique avec ses bras disposés le long du corps et cette jambe en avant représentant l’action de la marche. Il est pertinent de noter que la volonté des sculpteurs égyptiens n’était pas de représenter le mouvement de la marche de façon réaliste, mais de le symboliser avec une jambe en avant sur un corps rigide. « Pour mon goût il faut le moins de mouvement possible en sculpture. » admettra Maillol à sa biographe, Judith Cladel. « Il ne faut pas que ça chahute et que ça grimace et, dans le mouvement, on grimace facilement. Rodin lui-même reste tranquille : le mouvement il le met dans le rendu de la musculature, mais l’ensemble est sobre et calme. Les statues égyptiennes, plus elles sont immobiles, plus il semble qu’elles vont remuer … Les sphinx, on s’attend à les voir se lever. »
ill 5.
Couple anonyme, entre 2620 av. J.-C. et 2350 av. J.-C., calcaire anciennement polychrome, H. 36,5 cm ; l. 23 cm ; P. 19 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts. © Lyon MBA / Alain Basset.
Afin d’exprimer le mouvement et le dynamisme dans sa sculpture, Maillol fait appel à la géométrie et à la composition des masses : partant d’une figure géométrique, l’artiste vient ensuite construire des formes à l’intérieur de ce plan : un carré pour Méditerranée ou La Nuit ou un triangle pour Ile-de-France et La France. Pour Maillol, le travail de la forme prime avant tout. Le sujet, quant à lui, n’est qu’au second plan, comme il l’explique à Kessler en 1907, en réalisant Le Désir : « J’ai été heureux de trouver une idée qui me permît de donner une signification à ces masses ; mais en commençant, je n’ai pas pensé à un homme et à une femme. » Une méthode qui ne plait pas à tout le monde, comme il l’exprime à Judith Cladel : « Un critique, bien que fort élogieux, m’a reproché le caractère géométrique de ma sculpture : « C’est une tare », dit-il. Une tare ! … Les Égyptiens ont recherché l’aspect géométrique en modifiant la figure humaine. »
ill 7.
Aristide Maillol, La Nuit, 1909, Plâtre de fonderie, H. 106 ; L. 108 ; P. 57 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol. ©J.-L. Losi
En effet, la silhouette de La Nuit possède une certaine puissance architecturale qui n’est pas sans rappeler les statues-cubes de l’Égypte ancienne (Ill. 8). Typiques de la statuaire du Moyen-Empire, ces dernières étaient liées au culte funéraire, représentant le visage de défunts. On pouvait les retrouver dans les temples ou les tombes, censées aider les morts à participer au culte divin et obtenir protection et vie éternelle à travers l’au-delà. Comme La Nuit, ces effigies se tiennent accroupies, les bras croisés posés sur les genoux et serrés contre leur poitrine, formant alors un cube. Exposées au Louvre dès le XIXème siècle, il est plus que probable que Maillol ait eu l’occasion de venir admirer ces icônes d’autrefois.
À travers cette assimilation, La Nuit prend soudainement un caractère plus mystique. De simple allégorie nocturne, elle devient le symbole du passage du monde des vivants au monde des morts, mis en lumière par son état entre conscience et inconscience – et ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard que Maillol ait songé un temps à mettre un exemplaire de cette sculpture au-dessus de sa tombe.
Grâce à la lecture de correspondances ou d’écrits de ses biographes et contemporains, il est possible de déceler un puissant intérêt pour la culture et les œuvres d’art de l’Égypte antique de la part de Maillol. Ainsi, dans une lettre de 1907 adressée à Maurice Denis, le sculpteur évoque son enthousiasme : « (…) J’ai vu hier à Paris, une nouvelle salle égyptienne quelle merveille quel art si beau quelle belle assurance dans la vie et confiance dans la mort – c’est le soleil ! »
Aristide Maillol aura l’occasion de voyager et de découvrir d’autres grandes collections égyptiennes à travers l’Europe, notamment celle du British Museum en 1904 qu’il visite avec son ami et mécène le comte Harry Kessler. A la fin du XIXème siècle, le fameux musée comprend plus de 10 000 objets égyptiens, ce qui en fait l’une des collections d’antiquités égyptiennes les plus complètes au monde. Grâce à la lecture du Journal de Kessler, nous sommes en mesure de retracer cette journée au musée londonien :
« Londres, samedi 3 septembre 1904 : Tôt avec Maillol au British Museum. Dès l’entrée dans la collection des sculptures, la tête d’Osorkon II [d’Amenemhet III] l’arrête : « C’est beau ! Comme c’est beau ! C’est tranquille, et ça vit plus que les choses qui représentent un mouvement. C’est pour ça que j’aime tant les poses tranquilles ; je trouve ça tellement plus vivant. Ça remue, tandis que les choses en mouvement, on s’attend toujours à ce que ça s’arrête. »
Toujours accompagné de Kessler, c’est ensuite la Grèce que Maillol découvre du 25 avril au 3 juin 1908, qu’il documente dans son carnet de voyage, remplis de notes et croquis récoltés durant son périple. Arrivé à Delphes, il visite le Musée Archéologique, dont l’étude des sculptures antiques laisse une profonde impression sur notre artiste : « (…) Je regarde une belle statue imitée des Égyptiens et là je me sens remué profondément – là la grandeur est évidente l’ampleur des formes est d’un dieu – l’art a touché son but – »
La statue en question, photographiée par Kessler (Ill. 1), est un kouros (κοῦρος en grec ancien signifiant « jeune homme »), typique de la statuaire de la période archaïque grecque, apparue à une période marquée par une influence culturelle de l’Égypte Ancienne, notamment dans les arts. Cet écho à la statuaire égyptienne se retrouve dans la pose des statues : les bras le long du corps et de larges épaules, le pied gauche en avant, censées reprendre l’attitude des représentations des dieux, des pharaons et dignitaires égyptiens.
“ Plus qu’une simple représentation, l’effigie humaine dans l’art égyptien avait un but spirituel ou symbolique, très souvent connoté aux croyances en l’au-delà (...)”
De retour de son voyage, Maillol restera profondément marqué par cette statue, comme le démontre cette conversation de 1944 avec Henri Frère, ami de l’artiste et poète : « Me trouvant à Athènes, il y a déjà quelques années, je dessinais au musée une statue que l’on nomme l’Apollon à l’Omphalos ; c’est une statue qui magnifie l’étude de la chair à un point surprenant, par conséquent loin déjà de la grandeur et de la majesté des œuvres de Phidias. Mon dessin terminé, je me retourne et me trouve en face d’une très grande statue primitive, une œuvre dans le style égyptien, sévère et grandiose. Enfin la statue d’un dieu ! J’ai compris combien cet art surpassait l’Apollon à l’Omphalos par son élévation spirituelle ; cette comparaison me fit réfléchir profondément et me laissa perplexe (…) J’ai compris que la sculpture c’était ça. Ou plutôt que la sculpture était faite pour ça. Pour produire une grande impression. »
Se révélant donc amateur de l’art de l’Égypte antique, Maillol apprécie le hiératisme de ses sculptures monumentales et graves, le caractère religieux et mystique qui se dégage de ses œuvres majestueuses, figées dans le temps. Plus qu’une simple représentation, l’effigie humaine dans l’art égyptien avait un but spirituel ou symbolique, très souvent connoté aux croyances en l’au-delà : afin d’assurer le bon passage du défunt vers le royaume des morts, il était impératif de les matérialiser dans le monde des vivants. La statue pouvait également servir à assertir un rapport de dominance, exprimant le pouvoir des pharaons ou monarques, ou représentant des figures divines. C’est peut-être cette puissance symbolisée à travers la statuaire qui impressionne tant Maillol, qui y retrouve sans doute un écho à sa propre sculpture. En 1907, alors qu’il réalise Le Cycliste et Le Désir pour le comte Kessler, l’artiste a l’occasion de débattre avec lui sur la supériorité de l’art égyptien par rapport à l’art grec :
« Nous avons causé ensuite des Égyptiens et des Grecs. Je lui ai dit que les Grecs m’étaient finalement tout de même plus proches, « parce qu’ils ont trouvé la volupté : ils étaient des amoureux ». Maillol : « C’est peut-être que vous n’êtes pas sculpteur. Les Égyptiens mettaient dans tout ce qu’ils faisaient l’esprit religieux, ce qui est encore plus haut que l’amour, si on veut. Les Grecs restent humains. Moi, je voudrais mettre quelque chose de grave dans mon nu. Je pourrais assez facilement faire du Renoir en sculpture, je crois, mais je me retiens, je ne veux pas me laisser glisser, parce que je trouve qu’en art, la volupté doit tout de même garder quelque chose de grave, ça n’en devient que plus voluptueux. »
ill 2.
Aristide Maillol, Jeune fille à genoux, entre 1900 et 1902, bronze, H.18 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol.
Marqué par cet art ancien, Maillol, consciencieusement ou non, réalise des sculptures dont la monumentalité, le silence et le hiératisme rappellent la statuaire égyptienne, comme l’affirme Waldemar-George, critique d’art et essayiste français : « Lorsqu’il débute, Maillol se tourne, non vers l’art grec classique, mais vers l’art égyptien. » En effet, quand on examine les premières sculptures de Maillol – bois sculptés, statuettes et terres cuites émaillées – l’artiste est encore loin de ces statues monumentales aux silhouettes classiques de la statuaire grecque. On retrouve plutôt des références orientales comme la sculpture khmère, que l’artiste apprécie tant, ou alors égyptiennes.
A commencer par le thème des femmes agenouillées de Maillol, représentées à maintes reprises à travers son œuvre, qui pourrait presque être vu comme une inspiration directe des silhouettes égyptienne. Ayant beaucoup étudié le corps féminin sous différentes postures, Maillol réalise plusieurs petites statuettes (Ill. 2) où une femme est assise à genoux sur ses talons, les mains posées sur les cuisses. Exprimant une immobilité parfaite, dans une pose méditative, elle affirme une ressemblance avec le sujet classique des statues agenouillées d’Égypte (Ill. 3).
ill 3.
Statue de Nakhthorheb, chef des prêtres, sculpture en quartzite, vers 590 av. J.-C. (26e dynastie, règne de Psammétique), H. 148 cm ; L. 54 cm ; P. 70 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes. © 2013 Musée du Louvre, Dist. Grand Palis RMN / Christian Décamps
Une autre de ses premières réalisations, cette fois en terre cuite, les Deux femmes assises sur un banc (Ill. 4) fait penser aux statues-couples égyptiennes (Ill. 5), groupe statuaire funéraire censé représenter un homme et une femme devant leur tombe. Enfin, La Parisienne en terre cuite blanche (Ill. 6) rappelle également la statuaire antique avec ses bras disposés le long du corps et cette jambe en avant représentant l’action de la marche. Il est pertinent de noter que la volonté des sculpteurs égyptiens n’était pas de représenter le mouvement de la marche de façon réaliste, mais de le symboliser avec une jambe en avant sur un corps rigide. « Pour mon goût il faut le moins de mouvement possible en sculpture. » admettra Maillol à sa biographe, Judith Cladel. « Il ne faut pas que ça chahute et que ça grimace et, dans le mouvement, on grimace facilement. Rodin lui-même reste tranquille : le mouvement il le met dans le rendu de la musculature, mais l’ensemble est sobre et calme. Les statues égyptiennes, plus elles sont immobiles, plus il semble qu’elles vont remuer … Les sphinx, on s’attend à les voir se lever. »
Aristide Maillol, Deux femmes assises sur un banc, dit aussi Les Deux Sœurs, vers 1895-1898, Terre cuite, H. 12,5 ; L. 10 ; P. 9 cm, Paris, Petit Palais. © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais
Couple anonyme, entre 2620 av. J.-C. et 2350 av. J.-C., calcaire anciennement polychrome, H. 36,5cm ; l. 23 cm; P. 19 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts. © Lyon MBA / Alain Basset
Aristide Maillol, Femme marchant, dit aussi Femme vêtue marchant ou La Parisienne, vers 1895-1898, terre cuite blanche, H. 23,5 cm; L. 6 cm; P. 11 cm, Paris, Petit Palais. © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais
Afin d’exprimer le mouvement et le dynamisme dans sa sculpture, Maillol fait appel à la géométrie et à la composition des masses : partant d’une figure géométrique, l’artiste vient ensuite construire des formes à l’intérieur de ce plan : un carré pour Méditerranée ou La Nuit ou un triangle pour Ile-de-France et La France. Pour Maillol, le travail de la forme prime avant tout. Le sujet, quant à lui, n’est qu’au second plan, comme il l’explique à Kessler en 1907, en réalisant Le Désir : « J’ai été heureux de trouver une idée qui me permît de donner une signification à ces masses ; mais en commençant, je n’ai pas pensé à un homme et à une femme. » Une méthode qui ne plait pas à tout le monde, comme il l’exprime à Judith Cladel : « Un critique, bien que fort élogieux, m’a reproché le caractère géométrique de ma sculpture : « C’est une tare », dit-il. Une tare ! … Les Égyptiens ont recherché l’aspect géométrique en modifiant la figure humaine. »
Quand Maillol expose Méditerranée au Salon d’automne de 1905, Louis Vauxcelles, critique d’art, apporte un avis sensible sur cette statue monumentale : « Une statue de M. Aristide Maillol, hiératique, à l’instar d’un bloc d’Égypte, s’érige au centre de cette salle. M. Maillol nous a accoutumés à ses menues figurines. Le voici qui prend son élan. Cette figure de femme est d’une sérénité majestueuse. Selon un mot d’Octave Mirabeau, elle ouvre au désir ses belles cuisses rondes et puissantes ; elle est ardente, chaste, auguste ; elle donne l’idée de la force, de la plénitude de la chair, parce qu’elle donne l’idée de la vie, parce qu’elle est la vie. »
Une des variantes de Méditerranée, réalisée en 1909, La Nuit (Ill. 7), est peut-être l’exemple le plus connu de l’influence de la statuaire égyptienne sur l’œuvre de Maillol. Plutôt que de représenter une allégorie nocturne endormie, le Banyulenc préfère la présenter dans un état de repos éveillé : repliée sur elle-même et la tête posée entre ses bras, la figure féminine semble lasse, invoquant un sentiment de mélancolie. Dans la biographie de l’artiste, Judith Cladel décrit la statue monumentale comme un « jeune corps, de fine et grasse splendeur, la tête, cachée entre les bras, appuyée aux genoux relevés, dont la masse souple s’enferme, à l’exemple de certaines figures égyptiennes, entre les lignes idéales d’un cube. »
ill 7.
Aristide Maillol, La Nuit, 1909, Plâtre de fonderie, H. 106 ; L. 108 ; P. 57 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol. ©J.-L. Losi
ill 8.
Statue-cube, entre 1795 av. J.C. et 1680 av. J.-C. (XIIIe dynastie), gravure sur calcaire, H. 45,5 cm ; l. 24,5 cm ; P. 35,3 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptienne. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand Palais RMN / Georges Poncet
En effet, la silhouette de La Nuit possède une certaine puissance architecturale qui n’est pas sans rappeler les statues-cubes de l’Égypte ancienne (Ill. 8). Typiques de la statuaire du Moyen-Empire, ces dernières étaient liées au culte funéraire, représentant le visage de défunts. On pouvait les retrouver dans les temples ou les tombes, censées aider les morts à participer au culte divin et obtenir protection et vie éternelle à travers l’au-delà. Comme La Nuit, ces effigies se tiennent accroupies, les bras croisés posés sur les genoux et serrés contre leur poitrine, formant alors un cube. Exposées au Louvre dès le XIXème siècle, il est plus que probable que Maillol ait eu l’occasion de venir admirer ces icônes d’autrefois.
À travers cette assimilation, La Nuit prend soudainement un caractère plus mystique. De simple allégorie nocturne, elle devient le symbole du passage du monde des vivants au monde des morts, mis en lumière par son état entre conscience et inconscience – et ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard que Maillol ait songé un temps à mettre un exemplaire de cette sculpture au-dessus de sa tombe.
En plus de l’art grec – plutôt primitif – on voit que Maillol vouait une véritable admiration à l’Égypte antique, fasciné par la puissance spirituelle dégagée de ses sculptures stoïques et immobiles. Peut-être pouvons-nous lire une partie de son œuvre comme un hommage à cet art du passé, matérialisé par ses figures féminines mystérieuses et éternellement silencieuses. « Maillol aime tout particulièrement l’art égyptien qui n’utilise jamais le mouvement en sculpture » explique Isabelle Cahn dans l’ABCdaire de Maillol. « Il trouve dans les statues de l’Égypte ancienne cette volonté d’un art hiératique, le souci des formes qui ne décrivent pas le corps mais élèvent la représentation humaine vers une conception de l’éternité ».
A commencer par le thème des femmes agenouillées de Maillol, représentées à maintes reprises à travers son œuvre, qui pourrait presque être vu comme une inspiration directe des silhouettes égyptienne. Ayant beaucoup étudié le corps féminin sous différentes postures, Maillol réalise plusieurs petites statuettes (Ill. 2) où une femme est assise à genoux sur ses talons, les mains posées sur les cuisses. Exprimant une immobilité parfaite, dans une pose méditative, elle affirme une ressemblance avec le sujet classique des statues agenouillées d’Égypte (Ill. 3).
ill 10.
Aristide Maillol, Torse du Printemps, 1986, Torse en bronze, H. 148,0 ; L. 41,0 ; P. 26,0 cm., Don Mme Dina Vierny, 1986, © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / René-Gabriel Ojéda
ill 12.
Alberto Giacometti, Femme qui marche I, 1932, bronze, H. 150,3 cm ; L. 27,7 cm ; l. 38,4 cm, Paris, Fondation Giacometti
ill 9.
Alberto Giacometti, Buste d’homme assis (Lotar III), 1965, Plâtre peint, H. 67,1 cm ; L. 28 cm ; l. 37,6 cm, Paris, Fondation Giacometti.
ill 11.
Statue de Nephthys, entre 1390 av. J.C. et 1352 av. J.-C. (Amenhotep III), diorite, H. 181 cm ; L. 35 cm ; P. 69,5 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptienne. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand Palais RMN / Christian Décamps.
En plus de l’art grec – plutôt primitif – on voit que Maillol vouait une véritable admiration à l’Égypte antique, fasciné par la puissance spirituelle dégagée de ses sculptures stoïques et immobiles. Peut-être pouvons-nous lire une partie de son œuvre comme un hommage à cet art du passé, matérialisé par ses figures féminines mystérieuses et éternellement silencieuses. « Maillol aime tout particulièrement l’art égyptien qui n’utilise jamais le mouvement en sculpture » explique Isabelle Cahn dans l’ABCdaire de Maillol. « Il trouve dans les statues de l’Égypte ancienne cette volonté d’un art hiératique, le souci des formes qui ne décrivent pas le corps mais élèvent la représentation humaine vers une conception de l’éternité ».
La Fondation Dina Vierny – Musée Maillol a également accueilli en 2019 les œuvres d’un autre fervent admirateur de l’Égypte antique à l’occasion d’une exposition : Alberto Giacometti. S’inspirant de vestiges archéologiques, qu’il dessine tout au long de sa carrière, l’œuvre de l’artiste suisse est parsemée de références comme le montre son Buste d’homme assis (Lotar III) (Ill. 9) qui évoque la pose studieuse des statues de scribes, avec son buste droit, ses bras reposant sur ses cuisses et son regard calme et serein. On pourrait également citer le rapprochement formel important entre le Torse du Printemps de Maillol (Ill. 10), la Femme qui marche de Giacometti (Ill. 12) et cette statue antique de la déesse Nephthys (Ill. 11) où l’on sent la fameuse tension symbolique citée précédemment par Maillol entre l’immobilité et le mouvement.
Alberto Giacometti, Buste d’homme assis (Lotar III), 1965, Plâtre peint, H. 67,1 cm ; L. 28 cm ; l. 37,6 cm, Paris, Fondation Giacometti.
Aristide Maillol, Torse du Printemps, 1986, Torse en bronze,H. 148,0 ; L. 41,0 ; P. 26,0 cm.,Don Mme Dina Vierny, 1986, © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) /René-Gabriel Ojéda
Statue de Nephthys, entre 1390 av. J.C. et 1352 av. J.-C. (Amenhotep III), diorite, H. 181 cm; L. 35 cm; P. 69,5 cm, Paris, Musée du Louvre, département des antiquités égyptienne. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand Palais RMN / Christian Décamps
Alberto Giacometti, Femme qui marche I, 1932, bronze, H. 150,3 cm; L. 27,7 cm; l. 38,4 cm, Paris, Fondation Giacometti
Égyptomanie : concept décrivant la fascination pour l’Égypte antique, sa culture et son histoire. Ce mot fait souvent référence à la fin du XVIIIème-XIXème siècle, dans un contexte de nombreux voyages et de campagnes en Égypte.
Orientalisme : mouvement artistique et littéraire né au XVIIIème siècle, défini par la curiosité et l’intérêt des occidentaux pour l’Orient.
Kouros : (du grec ancien κοῦρος, soit « jeune homme »), pluriel κοῦροι, kouroï, terme désignant une statue de jeune homme durant la période archaïque de la Grèce antique (776 av. J.-C. – 480 av. J.-C.).
Statues-cubes : statues funéraires typique de l’art de l’Égypte Antique, remontant à la période du Moyen-Empire (2033 av. J.-C. – 1786 av. J.-C.). Représentant les figures des défunts dans une forme cubique, ces effigies servait de protection à travers l’au-delà, placées dans les temples et les tombes.– Judith Cladel, Maillol, sa vie, son œuvre, ses idées, Paris : Bernard Grasset, 1937.
– Bertrand Lorquin, Maillol, Genève : Skira et Paris : Fondation Dina Vierny, 1994.
– Collectif, l’ABCdaire de Maillol, Paris : Flammarion, 1996.
– Alex Susanna, Maillol et la Grèce, catalogue de l’exposition, Museu Frederic Marès, Barcelone, du 27 avril 2015 au 31 janvier 2016, Barcelone : Ajuntament de Barcelona, 2015 – textes en catalan et en français.
– Aristide Maillol, Nathalie Houzé (transcription), Notes d’un voyage en Grèce, 2015, Institute de Cultura de Barcelona.
– Henri Frère, Conversations de Maillol, Paris : Somogy Edition d’art, 2016.
– Comte Harry Kessler, Journal : Regards sur l’art et les artistes contemporains, 1889–1937, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2017. Disponible en ligne : https://books.openedition.org/editionsmsh/10902?lang=fr
– Catherine Grenier, Thierry Pautot, Marc Etienne, Romain Perrin, Alberto Giacometti et l’Égypte antique, catalogue d’exposition, Paris, Institut Giacometti, 22 juin au 10 octobre 2021, Paris : Fage / Institut Giacometti, 2021.
– Antoinette Lenormand-Romain, Ophélie Ferlier-Bouat Aristide Maillol 1861-1944, la quête de l’harmonie, catalogue de l’exposition, Paris, Musée d’Orsay, 12 avril au 21 août 2022, Zürich, Kunthaus, 7 octobre au 22 janvier 2023, Roubaix, La Piscine-Musée d’art et d’industrie André Diligent, 18 février au 21 mai 2023, avec le partenariat exceptionnel de la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol, Paris : Gallimard, 2022
Égyptomanie : concept décrivant la fascination pour l’Égypte antique, sa culture et son histoire. Ce mot fait souvent référence à la fin du XVIIIème-XIXème siècle, dans un contexte de nombreux voyages et de campagnes en Égypte.
Orientalisme : mouvement artistique et littéraire né au XVIIIème siècle, défini par la curiosité et l’intérêt des occidentaux pour l’Orient.
Kouros : (du grec ancien κοῦρος, soit « jeune homme »), pluriel κοῦροι, kouroï, terme désignant une statue de jeune homme durant la période archaïque de la Grèce antique (776 av. J.-C. – 480 av. J.-C.).
Statues-cubes : statues funéraires typique de l’art de l’Égypte Antique, remontant à la période du Moyen-Empire (2033 av. J.-C. – 1786 av. J.-C.). Représentant les figures des défunts dans une forme cubique, ces effigies servait de protection à travers l’au-delà, placées dans les temples et les tombes.– Judith Cladel, Maillol, sa vie, son œuvre, ses idées, Paris : Bernard Grasset, 1937.
– Bertrand Lorquin, Maillol, Genève : Skira et Paris : Fondation Dina Vierny, 1994.
– Collectif, l’ABCdaire de Maillol, Paris : Flammarion, 1996.
– Alex Susanna, Maillol et la Grèce, catalogue de l’exposition, Museu Frederic Marès, Barcelone, du 27 avril 2015 au 31 janvier 2016, Barcelone : Ajuntament de Barcelona, 2015 – textes en catalan et en français.
– Aristide Maillol, Nathalie Houzé (transcription), Notes d’un voyage en Grèce, 2015, Institute de Cultura de Barcelona.
– Henri Frère, Conversations de Maillol, Paris : Somogy Edition d’art, 2016.
– Comte Harry Kessler, Journal : Regards sur l’art et les artistes contemporains, 1889–1937, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2017. Disponible en ligne : https://books.openedition.org/editionsmsh/10902?lang=fr
– Catherine Grenier, Thierry Pautot, Marc Etienne, Romain Perrin, Alberto Giacometti et l’Égypte antique, catalogue d’exposition, Paris, Institut Giacometti, 22 juin au 10 octobre 2021, Paris : Fage / Institut Giacometti, 2021.
– Antoinette Lenormand-Romain, Ophélie Ferlier-Bouat Aristide Maillol 1861-1944, la quête de l’harmonie, catalogue de l’exposition, Paris, Musée d’Orsay, 12 avril au 21 août 2022, Zürich, Kunthaus, 7 octobre au 22 janvier 2023, Roubaix, La Piscine-Musée d’art et d’industrie André Diligent, 18 février au 21 mai 2023, avec le partenariat exceptionnel de la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol, Paris : Gallimard, 2022
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