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22.06.2024

Exposition au Musée de Pont-Aven : Maillol parmi les Nabis - Été 2024

Durant l’été 2024, le Musée de Pont-Aven présente une exposition remarquable, conçue par Charlotte Foucher Zarmanian, historienne de l’art et chargée de recherches au CNRS. Cette exposition met en lumière les œuvres d’Aristide Maillol aux côtés de celles des Nabis, offrant une perspective renouvelée sur ces figures emblématiques de l’art.

En 1954, Agnès Humbert, historienne de l’art, souligne dans son ouvrage Les Nabis et leur époque (1888-1900) qu’« il n’y a jamais eu […] de Nabie ». Marthe Bonnard, Marthe Denis, France Ranson, Marguerite Sérusier, Clotilde Narcis, et d’autres, épouses des artistes Pierre Bonnard, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson, Paul Sérusier et Aristide Maillol, ont évolué au sein du groupe, non pas comme artistes, mais comme collaboratrices, assistantes et soutiens essentiels.

Vue de l’exposition «Femmes chez les Nabis » au Musée de Pont-Aven

Le projet artistique Femmes chez les Nabis vise à mettre en lumière le rôle crucial mais souvent méconnu des femmes dans le mouvement nabi. L’exposition s’attache à révéler les tensions entre œuvre et ouvrage, artiste et modèle, actif et passif, visible et invisible, afin de nuancer une vision souvent masculine et homogène du mouvement.

La première section de l’exposition invite à découvrir l’histoire à travers le thème du couple, qui s’élargit ensuite à celui de la famille. Elle met en lumière les épouses des Nabis et examine la diversité des représentations du couple au sein de ce groupe, tout en intégrant également le point de vue des femmes sur l’intimité conjugale.

Aristide Maillol, « Le couple ou l’Homme et la femme », 1896, bronze, 17 x 16 x 8,5 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol

Dans ce contexte, Le Couple de Maillol occupe une place particulière. Les visiteurs pourront admirer de près cette statuette en bronze, symbole de l’unité et de l’équilibre entre l’homme et la femme. Dans son journal de 1907, le mécène de Maillol, Kessler, décrit les dessins préparatoires de cette œuvre, trouvant ce couple « particulièrement beau » : « un jeune homme nu et une femme accroupis l’un contre l’autre de profil, lui avec son bras passé autour du cou de la femme ».

Aux côtés de cette sculpture, des dessins de Ker-Xavier Roussel et Lacombe illustrent d’autres couples d’hommes et de femmes fusionnant ensemble, poursuivant ainsi l’exploration de l’unité et de l’équilibre entre les genres. Cette présentation s’accorde parfaitement avec la vision artistique de Maillol, qui considérait le bas-relief Le Désir, pour lequel Le Couple fut une étape préparatoire, comme « un dessin sur pierre », une forme où la sculpture et le dessin s’entrelacent harmonieusement.

Le passage dans les salles d’exposition dédiées à la tapisserie permet de découvrir une autre œuvre de Maillol, Le Jardin enchanté, réalisée avec sa future épouse Clotilde Narcis. Cette section explore la métaphore du statut des femmes d’artistes, entre compagnes, modèles et assistantes. Les exemples des couples Ranson, Rippl-Rónai et Maillol illustrent cette dynamique, montrant comment la division du travail se manifeste selon des logiques genrées, où les femmes exécutent souvent ce que les hommes ont conçu et dessiné sur carton.

Vue de l’exposition «Femmes chez les Nabis » au Musée de Pont-Aven
 
Aristide Maillol, « Le Jardin enchanté », 1899, tapisserie, laine brodée, 190 x 105 x 3,5 cm, Paris, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol

Les tapisseries exposées montrent comment cet art, avec une tradition remontant au Moyen Âge, s’harmonisait parfaitement avec les nouveaux principes esthétiques de l’époque, abolissant la distinction entre « l’art noble » et « l’art appliqué ». La conception des tapisseries offre une liberté totale de composition, permettant de formuler des significations symboliques et exigeant une interprétation abstraite, synthétique et bidimensionnelle. En étudiant l’art médiéval de la tapisserie, Maillol observe : « Les tapisseries peuvent être considérées comme des peintures monumentales… c’est un art plus attrayant, plus significatif que la peinture ». Il affirme même qu’une « tapisserie gothique procure plus de plaisir qu’un Cézanne ».

Cette inspiration intérieure a conduit Maillol à se consacrer à la tapisserie entre 1892 et 1902. Dans ses peintures de l’époque, il expérimente le groupement des figures, un défi pour lui. La tapisserie lui offrit une nouvelle voie : « . C’est par la tapisserie que j ’ai commencé à faire de la composition. …. Je n’ai pas trouvé mon expression dans la peinture, je l’ai trouvée dans la tapisserie ». Il développe les scènes symboliques commencées avec les portraits doubles en compositions plus grandes et multifigurées, explorant le positionnement des figures féminines, leurs interactions mutuelles, créant des compositions mêlant simplicité, raffinement et légèreté. Les « rituels tranquilles » des tapisseries invitaient pratiquement à des lectures symboliques et à des interprétations supplémentaires. 

Aristide Maillol, « La Jeune Madame Maillol», mine de plomp et encre brune sur papier, 30.9 x 17.3 cm, Paris, musée d’Orsay, en dépôt au cabinet des arts graphiques du musée du Louvre

Contrairement aux tapisseries tissées, les tapisseries de Maillol sont brodées, une technique qu’il a perfectionnée avec l’aide précieuse de Clotilde Narcis, sa future épouse. Comme les artisans médiévaux, Maillol attache une grande importance au processus de fabrication. Insatisfait des fils disponibles dans le commerce, il produit lui-même les matières premières de ses tapisseries. Clotilde et lui préparent des teintures d’une qualité exceptionnelle, récoltant eux-mêmes les plantes nécessaires. Le petit dessin intitulé La Jeune Madame Maillol, présenté à l’exposition près du Jardin enchanté, témoigne de cette époque et met en lumière le rôle crucial de Clotilde dans le processus de création.

« Le Jardin Enchanté », réalisé entre 1895 et 1896, demeure une pièce maîtresse de l’œuvre de Maillol. Il y dépeint des femmes évoluant dans un jardin, placées devant un fond de millefleurs médiéval. Cette œuvre donne à voir un Maillol onirique, et, dans cette scène une certaine forme d’idéal utopique.

La tapisserie de Rippl-Rónai, Femme à la robe rouge, présentée dans la même salle d’exposition, pourrait également être considérée comme la représentation onirique d’un jardin idéal. Elle établit immédiatement un dialogue avec Le Jardin Enchanté, rappelant la figure féminine de l’un des personnages de cette dernière. Elle reflète parfaitement l’interprétation personnelle de Rippl-Rónai du thème esthétique exploré par Maillol. A l’instar de Clotilde, qui a joué pour Maillol à la fois le rôle dassistante et de modèle pour Le Jardin Enchanté, Lazarine Baudrion, compagne de Rippl-Rónai, a joué un rôle crucial dans la réalisation de sa tapisserie.

À l’exposition de Pont-Aven, Le Jardin Enchanté de Maillol et Femme à la robe rouge de Rippl-Rónai sont accompagnées d’éléments montrant le processus de leur création: la première est accompagnée d’un carton préparatoire, la seconde d’une estampe à l’indigo, mettant en lumière la subtilité de la recherche des formes du profil du Quattrocento. Bien que l’identité exacte des figures représentées reste spéculative, il est clair que les deux artistes ont suivi des techniques et des inspirations très proches.

Les formats des deux tapisseries sont similaires, ainsi que les bordures qui les entourent. Les modèles posent devant un fond végétal luxuriant, vêtues de robes à la mode de l’époque et dans des poses élégantes. L’une des figures féminines représentées par Maillol semble identique à celle de la peinture de Rippl-Rónai, Femme tenant une rose (1892-1895), suggérant que Maillol a peut-être emprunté cette figure à son ami. De même, la femme représentée par Rippl-Rónai rappelle celle du Profil de femme de Maillol, et la posture affectée des deux figures est visible dans d’autres œuvres des deux artistes, à l’instar des estampes japonaises représentant des geishas.

Rippl-Rónai et Maillol ont en revanche utilisé des techniques de couture différentes. Maillol préfère des points clairsemés, disposés de manière linéaire et ordonnée, ce qui donnait à ses œuvres une texture légère et une flexibilité qui permettaient de les enrouler facilement. En revanche, Rippl-Rónai utilise des points épais, longs et entrelacés, créant des tapisseries rigides et épaisses, évoquant la robustesse des tapis persans. Ces différences se manifestent également dans le choix des couleurs : Maillol opte pour des tons continus et évite les contrastes vifs, tandis que Rippl-Rónai privilégie des teintes éclatantes et contrastées.

Joseph Rippl-Rónai, « Femme à la robe rouge », tapisserie à l’aiguille, laine sur canevas, 230 x 125 cm, 1898. Broderie réalisée par Lazarine Baudrion

Au sein de l’espace d’exposition, la tapisserie Printemps de Paul Ranson propose une approche plus neutre, équilibrant les styles contrastés de Maillol et Rippl-Rónai. Les tons beiges tamisés dominent et mettent en valeur la décorativité des formes et l’esthétique des postures des figures féminines, créant ainsi une harmonie visuelle entre les différentes œuvres présentées.

Apres avoir achevé Femme à la robe rouge et les autres broderies pour la salle à manger des Andrássy, Rippl-Rónai cesse de réaliser des broderies, déçu par le manque de réception favorable en Hongrie. Il propose des tapisseries pour la décoration du Parlement, mais son projet est rejeté. Cette expérience malheureuse l’amena à arrêter définitivement la réalisation de grandes tapisseries.

Maillol, en revanche, continua de concevoir des tapisseries. Vers les années 1900, Vuillard le présente aux Bibesco, une famille princière de Roumanie, qui commande à Maillol trois tapisseries.  Ces commandes marquent une période importante dans sa carrière avant son émergence en tant que sculpteur.

L’exposition Femmes chez les Nabis éclaire la position privilégiée des femmes dans les arts décoratifs de l’époque. Elle incite également à explorer les mécanismes d’invisibilisation, de subordination et de hiérarchie au sein de ces collaborations, où les noms féminins ont longtemps été occultés en tant que signataires des œuvres. Cette analyse critique permet de mieux saisir les dynamiques de genre dans le monde de l’art et de rendre hommage à celles dont les contributions ont été négligées.

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Musée Maillol, 2021

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