16/12/2025
Le prêt de La Nuit (1902) d’Aristide Maillol par la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol au musée Marmottan Monet s’inscrit dans le cadre de l’exposition L’Empire du sommeil, dont cet article interroge les enjeux avant de se concentrer sur cette œuvre emblématique.
L’Empire du sommeil au musée Marmottan Monet

« Le sommeil occupe un tiers de notre existence », écrit Érik Desmazières, directeur du musée Marmottan Monet, dans l’avant-propos du catalogue de l’exposition L’Empire du sommeil. Qu’il soit paisible ou troublé, l’acte de dormir relève d’une expérience universelle, à la fois intime et partagée, qui traverse les siècles et imprègne durablement la création artistique. Il est pourtant étonnant de constater, comme le souligne Desmazières, qu’aucune exposition n’ait jusqu’ici été consacrée à ce thème en France, du moins dans le champ de sa représentation artistique.
C’est précisément cette lacune que le musée Marmottan Monet entreprend d’explorer avec L’Empire du sommeil. Conçue par Laura Bossi, neurologue et historienne des sciences, en co-commissariat avec Sylvie Carlier, directrice des collections du musée, l’exposition propose un regard inédit sur le sommeil et sur la diversité de ses déclinaisons artistiques, révélant l’ambiguïté d’un état à la fois partagé et énigmatique, situé au croisement du corps, de l’esprit et de l’imaginaire.
Dans cette perspective, L’Empire du sommeil réunit un corpus de près de cent trente œuvres, principalement inscrites dans le cadre du « long XIXᵉ siècle », des Lumières à la Grande Guerre. Issues de différentes institutions et de collections privées, tant nationales qu’internationales, ces pièces témoignent de la richesse et de la persistance de ce motif dans l’histoire de l’art.
Parmi cet ensemble figure notamment la version de petit format de La Nuit (1902) d’Aristide Maillol, prêtée par la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol, dont la présence au sein du parcours invite à un regard plus attentif.

Présentée dans la première section de l’exposition, intitulée « Doux sommeil, bonheur pur », la statuette en bronze La Nuit (1902) d’Aristide Maillol est exposée aux côtés de la Femme endormie (1876) de Jean-Baptiste Carpeaux et du Sommeil, buste de femme (1889) d’Auguste Rodin. Ce dialogue met en lumière différentes approches sculpturales du repos, depuis le modelé expressif de la fin du XIXᵉ siècle jusqu’à la recherche d’une forme plus condensée et intériorisée chez Maillol.
Réalisée en 1902, cette statuette correspond à une étude élaborée en amont de la version monumentale de La Nuit (1909), présentée au Salon d’Automne de 1909. Elle s’inscrit dans une période charnière de la production de Maillol, marquée par le développement continu du thème de la femme assise, pour lequel il prend souvent pour modèle son épouse, Clotilde Narcis. D’abord exploré dans le dessin, ce motif trouve rapidement une traduction sculpturale, conduisant notamment à La Méditerranée (1905), exposée au Salon d’Automne de 1905.
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À l’instar de cette dernière, La Nuit s’inscrit dans un volume presque cubique, mais d’une forme plus compacte et ramassée. Le corps, replié sur lui-même, le visage enfoui entre les bras posés sur les genoux relevés, exprime une figure de repos et de retrait, marquée par une profonde intériorité. La composition met l’accent sur la solidité du torse et des cuisses, tandis que de subtiles ouvertures – entre le buste et les jambes, comme entre les mollets et l’arrière des cuisses – introduisent de fines respirations au sein de cette masse compacte.
Par ce jeu d’équilibre entre plénitude et vide, Maillol affirme une conception de la sculpture fondée sur la stabilité et la permanence des formes, à rebours de la statuaire de son temps, alors largement tournée vers le mouvement et le modelé dynamique. Nourrie par l’étude de la sculpture antique et égyptienne, cette recherche d’une harmonie architecturale du corps confère à La Nuit une puissance silencieuse et intemporelle. Auguste Rodin lui-même, découvrant l’œuvre lors de sa présentation au Salon d’Automne de 1909, saluait cette approche par une formule restée célèbre : « On oublie trop que le corps humain est une architecture, mais vivante. »

Présentée dans le parcours de L’Empire du sommeil, la statuette de La Nuit trouve une place singulière au sein de l’exposition, en proposant une interprétation du sommeil fondée sur le retrait, la concentration et la plénitude des formes, tout en éclairant la genèse de la version monumentale de l’œuvre.
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Musée Maillol, 2021
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Musée Maillol, 2021
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