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04/07/2025

Exposition « Maillol-Picasso. Défier l’idéal classique » – Musée Hyacinthe Rigaud

Du 28 juin au 31 décembre 2025, le Musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan consacre une exposition inédite à deux figures emblématiques de l’art du XXe siècle : « Maillol-Picasso. Défier l’idéal classique ». Une mise en regard qui explore le dialogue entre ces deux artistes contemporains et leurs œuvres respectives.

Le musée de Perpignan vient accueillir dans ses murs une toute nouvelle exposition proposant une lecture croisée de l’œuvre d’Aristide Maillol (1861–1944) et de Pablo Picasso (1881–1973), un parallèle encore trop peu étudié. Pourtant, les deux hommes partagent un lien intime avec la ville de Perpignan et son histoire : en 1909, Maillol fait don d’un des bronzes originaux de la Méditerranée (1902-1905) à ville, tandis que, de 1953 à 1955, Picasso loge à l’hôtel de Lazerme qui abrite l’actuel musée d’art Hyacinthe Rigaud. L’exposition cherche à mettre en lumière les subtiles correspondances, les thématiques et influences mutuelles des deux maîtres à travers un parcours dense de 110 œuvres — sculptures, peintures, dessins, gravures — déployées dans un espace scénographié de 400 m². Explorons ensemble les différentes thématiques proposées par le Musée Hyacinthe Rigaud.   

 

Face à face

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan


« Si j’achetais du Picasso, ce serait une de ces peintures, plutôt que ses figures […] J’aime l’art riche, l’art florissant. Ce que je préfère, ce sont ses carrés. Ça, ce n’est ni riche ni pauvre. »

D’après Henri Frère, Conversations de Maillol, 1956

 

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan

 

Bien que Maillol et Picasso se soient déjà croisés à Paris, la rencontre qui fonde cette exposition est en réalité posthume. Elle se situe entre 1953 et 1955, lorsque Picasso séjourne régulièrement à Perpignan, dans la demeure de Jacques et Paule de Lazerme. Durant ces séjours, l’artiste se rapproche de ses origines catalanes et redécouvre l’œuvre de Maillol, dont les sculptures occupent une place visible dans l’espace public de la ville.

Face à cette présence sculpturale, Picasso revient doucement à une esthétique classique qu’il explore déja entre 1920 et 1934, notamment à travers la thématique des « Grandes baigneuses » et la Suite Vollard, une série d’estampes gravées à l’eau forte. La proximité tangible avec les œuvres de Maillol donne corps à une rencontre symbolique entre les deux artistes. Elle se manifeste déja dans un dessin que Picasso dédie à son hôte, Jacques de Lazerme, en septembre 1954, représentant deux femmes nues au bain. On peut ressentir l’influence des œuvres de Maillol dans les poses de ces femmes dessinées par l’artiste, reprenant les poses presque architecturales si caractéristiques du sculpteur banyulenc.

Lors de son passage à Perpignan, Picasso demande à Raymond Fabre de photographier les sculptures de Maillol. Il souhaite conserver une trace de ce séjour, ce que Fabre concrétise le 24 septembre 1954, à la veille du départ de l’artiste pour Vallauris. Ce jour-là, Picasso se fait photographier devant deux œuvres majeures de Maillol : Méditerranée (1905) et la Vénus (1928), s’isolant brièvement pour se confronter à leur puissance sculpturale.

L’influence de Maillol, profondément ressentie durant les séjours perpignanais de Picasso, ne tarde pas à se manifester dans son œuvre. Dès 1956, le thème des baigneuses revient avec force dans son répertoire pictural. Le grand tableau Femmes devant la mer (1956)  incarne cette nouvelle étape, marquant un tournant vers une esthétique méditerranéenne aux formes sculpturales. Il témoigne du lien direct entre l’expérience catalane de Picasso et la mémoire plastique de Maillol. L’année suivante, avec Les Baigneurs à la Garoupe (1957), Picasso poursuit ce processus de transformation. Dans ces deux œuvres, on observe la transition de la référence aux formes pleines et équilibrés de Maillol à une géométrisation radicale du corps féminin. Les figures s’aplatissent, perdent leur matérialité, et leur relation à l’espace bouleverse à nouveau les codes classiques de la sculpture. Cette approche reflète une quête commune entre les deux artistes : celle d’un équilibre formel renouvelé, qui défie les lois de la pesanteur.

Ainsi, à travers ces œuvres tardives, Picasso n’imite pas Maillol, mais engage avec lui un dialogue formel et sensible. Il absorbe les leçons du sculpteur tout en poursuivant sa propre recherche. Dans cette convergence, c’est tout un pan de l’art méditerranéen moderne qui s’exprime, ancré dans une filiation artistique aussi subtile que féconde.

 

Artistes catalans

 

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan

 

L’exposition à Perpignan vient également s’intéresser aux origines communes de ces deux artistes. Bien que leurs parcours artistiques diffèrent profondément, Aristide Maillol et Pablo Picasso partagent un ancrage commun : la Catalogne. De part et d’autre des Pyrénées, cette terre marquée par une identité forte, partagée entre la France et l’Espagne depuis le XVIIe siècle, constitue pour les deux artistes une source d’inspiration durable.

Né à Banyuls-sur-Mer, Maillol entretient tout au long de sa vie un lien indéfectible avec son village natal, où il retourne fréquemment pour se ressourcer et fuir les tumultes de la capitale. Picasso, de vingt ans son cadet, grandit à Barcelone, où il s’installe dès l’âge de quatorze ans.

Leur première rencontre, entre 1902 et 1903, se teinte d’émotion lorsque Picasso, pour saluer Maillol, entonne un chant catalan, affirmant ainsi leur appartenance à une même culture, au-delà des frontières.

En 1906, lors d’un séjour à Gósol dans les Pyrénées catalanes, Picasso s’imprègne et s’inspire de la vie locale dans sa production. Il y retrouve une simplicité rurale, comparable à celle que Maillol célèbre dans ses œuvres. Dans ses carnets de croquis — dits catalans— défilent les figures du quotidien, femmes en coiffe traditionnelle, hommes coiffés de la barretina. Ces scènes viennent se retrouver dans ses œuvres, notamment dans les représentations de sa compagne Fernande, notamment dans sa statuette Tête de femme, dite de Fernande (1906). Cette exploration de la culture catalane se poursuit tout au long de sa vie, jusqu’à ses gravures des Buveurs catalans en 1934, ou encore dans son célèbre portrait pris par Raymond Fabre en 1954, où l’artiste vient poser, coiffé du bonnet catalan.

Face à Picasso, Maillol démontre son attachement à sa terre natale par une œuvre profondément marquée par les traditions et l’esprit méditerranéen. Le sculpteur célèbre la simplicité, l’équilibre et une certaine idée de permanence. Sa Tête de Catalane, modelée vers 1898, en est un jalon significatif : elle allie identité régionale et recherche formelle. Cette œuvre marque le début d’un langage sculptural où la catalanité, d’abord perceptible dans les signes extérieurs, se distille peu à peu dans la forme même — des corps nus, pleins, presque archaïques, qui transcendent le local pour rejoindre une esthétique universelle.

 

Former et déformer la figure humaine

 

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan

 

Dans l’œuvre de Maillol comme dans celle de Picasso, on observe une attention toute particulière à la composition de l’espace. On retrouve chez l’un et l’autre une virtuosité comparable : ainsi, le relief Le Désir (1907) de Maillol témoigne d’une maîtrise équivalente à celle que Picasso déploie dans sa toile Deux femmes courant sur la plage (1921). Les corps massifs de cette œuvre rappellent ceux représentés par Maillol dans La Vague (1891-1898). Ailleurs, les figures semblent vaciller, comme sur le point de perdre l’équilibre mais celui-ci est toujours maintenu. De La Rivière (1943) à L’Air (1938) en passant par le Nu couché (1932) de Picasso, les formes glissent doucement vers la déformation, le chaos ou même l’abstraction, sans jamais y sombrer totalement. Pourtant, l’allongement maniériste de L’Air tranche nettement avec les rondeurs des figures picassiennes

Chez les deux artistes, la place de l’homme, l’humanisme, est au centre de la composition à ce qui la dépasse, la menace, la subvertit. Les éléments naturels — mer, soleil, vent —, mais aussi le désir, la sensualité, la violence, le sommeil ou les rêves viennent bousculer la stabilité humaine. Ils inversent sa verticalité, la réduisent au sol, provoquent des chutes, des glissements, des dédoublements ou des confusions. Les silhouettes, les lignes de force, l’agencement des membres, les postures : tout est mis à l’épreuve, parfois poussé jusqu’au désordre et à la dislocation. Cette mise en crise de l’unité passe par la fragmentation, l’éclatement, la déformation du corps.

On oublie trop souvent que derrière l’apparente sérénité de l’œuvre de Maillol se cachent des tensions profondes. Picasso, lui, les perçoit clairement — sans doute parce qu’il les a lui-même affrontées dans sa propre démarche artistique.

Cette comparaison entre les deux artistes devient encore plus frappante lorsqu’on met en parallèle la série des étreintes de la Suite Vollard de Picasso avec le relief Le Désir (1907) de Maillol. Là où Picasso enchevêtre les corps dans une confusion presque chaotique, Maillol insère l’intensité du désir dans un cadre rigoureusement ordonné : un carré parfait qui vient enfermer la figure humaine. Dans cette composition, on perçoit clairement les forces à l’œuvre : le bras de l’homme autour de la taille de la femme (contré par son geste de défense) forme le diamètre du relief ; la main qui agrippe son épaule, le sein, et l’alignement des genoux marquent un axe vertical central. L’ensemble se divise en quatre carrés : en haut, les lignes opposées du dos masculin et du buste féminin rejettent des diagonales dynamiques ; en bas, les jambes croisées ou parallèles dessinent les diagonales et les bases des carrés inférieurs.

Maillol introduit ainsi un ordre dans le désordre, une immobilité formelle dans l’intensité du mouvement. Sa sculpture emprunte au langage architectural, où la composition et la forme priment sur le sujet, celui rangé au second-plan : « J’ai été heureux de trouver une idée qui me permît de donner une signification à ces masses ; mais en commençant, je n’ai pas pensé à un homme et à une femme. » C’est précisément cette approche constructive qui ouvre, chez Maillol, la voie à une abstraction future en sculpture.

 

Museum for a Small City (1943)

 

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan

 

Enfin, l’un des axes majeurs de l’exposition repose sur une relecture originale de l’œuvre de Maillol, éclairée par le regard visionnaire de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe. En 1943, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci est invité par le magazine Architectural Forum à concevoir un projet théorique : Museum for a Small City. Loin d’imaginer un musée traditionnel, il esquisse un espace ouvert, fluide, conçu comme un lieu de plaisir plutôt que comme une institution figée. Il rejette l’idée d’un musée perçu comme un lieu d’« internement » de l’art, prônant au contraire la liberté de circulation, la proximité avec les œuvres et l’absence de hiérarchie historique entre elles.

Dans ce contexte, le choix des œuvres que Mies van der Rohe associe à son projet est profondément significatif. Il sélectionne notamment Guernica de Picasso (1937) et La Nuit de Maillol (1906-1909), deux pièces marquées par une forte tension dramatique. À leurs côtés, L’Action enchaînée (1907) de Maillol incarne un puissant message de liberté et de révolte sociale. Le regard de Mies van der Rohe révèle ici un lien inattendu entre les deux artistes : au-delà des oppositions esthétiques souvent soulignées, leurs œuvres partagent une intensité expressive et une puissance politique commune.

Ce dialogue révèle une modernité de la part de Maillol que l’on n’associe pas toujours à son œuvre. Face à la force plastique de Picasso, sa sculpture apparaît sous un jour nouveau, œuvre classique emplie d’une force contemporaine. L’approche de Mies van der Rohe, en abolissant les frontières stylistiques et temporelles, permet ainsi de revisiter les liens entre les deux artistes, en soulignant leurs résonances plus que leurs divergences.

 

Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan
Vue d’exposition / Courtesy of Ville de Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Succession Picasso 2025 © Photo: P. Marchesan

L’exposition Maillol-Picasso. Défier l’idéal classique propose bien plus qu’une simple confrontation entre deux figures majeures de l’art moderne : elle nous invite à revoir sous un nouveau jour des œuvres trop souvent enfermées dans des lectures figées. En rapprochant Maillol et Picasso, elle révèle à quel point leurs recherches respectives, bien que formellement différentes, partagent une même interrogation sur le corps, la forme, l’équilibre et la puissance des éléments.

Ce tête-à-tête inédit permet en particulier de reconsidérer la sculpture de Maillol, souvent perçue comme classique, et dont la modernité se révèle avec une force nouvelle à travers la juxtaposition avec l’audace plastique de Picasso. Le contraste entre les courbes apaisées et les déséquilibres dynamiques souligne l’originalité de Maillol, non comme un sculpteur figé dans la tradition, mais comme un artiste en prise avec les bouleversements esthétiques de son temps.

L’intérêt de cette exposition repose également sur l’exceptionnelle qualité des œuvres rassemblées : près de 120 pièces, dont certaines exposées pour la première fois à Perpignan, comme La Rivière ou L’Air, et d’autres issues des collections du musée Hyacinthe Rigaud. Outre les collections du musée, on peut citer la richesse des prêts provenant de nombreuses institutions comme le musée d’Orsay, le musée de l’Orangerie, le Petit Palais, le musée Rodin, la Fondation Dina Vierny, la Nationalgalerie de Berlin ou encore la collection Oskar Reinhart de Winterthour. Le Centre Pompidou, partenaire central, a notamment contribué en prêtant Femmes devant la mer (1956), une toile magistrale de Picasso mise en regard avec La Méditerranée, renforçant l’intensité du dialogue entre les deux artistes.

Articulée en six sections aux titres volontairement ambigus – Classique ? Renversé ? Primitif ? Sculpteur ? –, l’exposition propose une redécouverte de l’œuvre de Maillol en confrontation avec celle de Picasso, lui aussi en mouvement, en tension, en mutation.

 

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Musée Maillol, 2021

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